Donnée cliniques pour l'utilisation de probiotiques en cas de SCI
En tant que diététiste spécialisée en santé intestinale, une grande partie de ma pratique consiste à prendre soin de personnes atteintes du syndrome du côlon irritable (SCI). Le syndrome du côlon irritable figure actuellement au premier rang des diagnostics gastro-intestinaux en Amérique du Nord avec une prévalence estimée à 12 % aux États-Unis et au Canada.1,2 Bien qu’il soit considéré comme un trouble de l’interaction intestin-cerveau comparativement à un problème de santé, les principaux symptômes du SCI (douleur abdominale, ballonnements, gaz, changements dans les habitudes d’élimination) sont généralement suffisamment graves pour avoir des répercussions importantes sur les activités quotidiennes et la qualité de vie de ceux qui en souffrent1,3.
Bactéries intestinales et SCI
Pendant plusieurs années, la recherche sur le SCI s’est penchée sur les anomalies de la motilité gastro-intestinale et sur l’hypersensibilité viscérale dans le système nerveux lié à l’intestin1. Toutefois, compte tenu de la nature des gaz, des ballonnements et des changements dans les habitudes d’élimination caractérisant le SCI, ces symptômes peuvent également être liés de manière plausible à des changements dans le microbiote intestinal... alors que dit la recherche à ce sujet?1
Il semble que le microbiote intestinal des personnes atteintes du syndrome du côlon irritable diffère de celui des personnes en bonne santé, et les recherches en cours portent maintenant sur cette question1,4. Une revue systématique de 24 études réalisée en 2019 suggère une différence significative dans le microbiote des personnes atteintes du SCI, à la fois par l’absence ou la présence de certaines bactéries4. Toutefois, l’hétérogénéité est telle qu’il n’y a pas deux études figurant dans la revue qui ont observé les mêmes différences4.
Cela témoigne de la théorie émergente voulant que le SCI ne soit pas qu’une chose dans les faits, mais bien un ensemble hétérogène de facteurs contribuant à un profil de symptômes similaires1,2,4. Divers facteurs de risque, environnementaux et liés à l’hôte, allant de l’utilisation d’antibiotiques et des stresseurs pendant les premières années de vie à l’altération de la perméabilité intestinale et à l’intolérance alimentaire, ont été identifiés comme contribuant aux symptômes1,2,4. Bien que la physiopathologie puisse s’avérer complexe et que les symptômes soient diversifiés, il existe une gamme de traitements qui semblent avoir des effets positifs chez de nombreux patients.
Les thérapies nutritionnelles actuelles pour le SCI
Prenons par exemple le régime alimentaire faible en FODMAP, qui élimine de façon stricte les aliments riches en glucides fermentescibles (oligo-, di-, et monosaccharides et polyols) pendant 4 à 8 semaines5,6. Ce régime alimentaire engendre une amélioration positive des symptômes chez environ 50 à 87 % des participants à l’essai et, dans ma propre pratique, j’estime qu’il est plutôt fiable (si le traitement par la seule modification des habitudes de vie n’est pas adéquat) pour les personnes atteintes du SCI-D5,6.
Les FODMAP ont de nombreux effets, y compris celui d’agir comme des sucres osmotiques dans l’intestin et comme des substrats de fermentation pour le microbiote intestinal2,5. Des données préliminaires suggèrent également que le régime alimentaire faible en FODMAP affaiblit le microbiote intestinal en nombre et en diversité, ce qui explique pourquoi les régimes alimentaires faibles en FODMAP ne doivent pas être utilisés dans la gestion à long terme des symptômes5,6. Cet effet de fermentation, jumelé à l’observation de l’altération du microbiote intestinal dans le cas de SCI jettent les bases des recherches sur l’efficacité des probiotiques dans le syndrome du côlon irritable.
Des probiotiques pour traiter le SCI
En 2019, l’association canadienne de gastroentérologie a publié des lignes directrices sur la pratique qui suggèrent l’utilisation des probiotiques pour améliorer les symptômes du SCI, en se fondant sur les preuves de 51 essais cliniques2. D’autres revues ont également laissé entendre que les probiotiques, en particulier les formulations multi-souches, peuvent être bénéfiques dans le syndrome du côlon irritable7,8.
La recherche suggère que les probiotiques peuvent améliorer les symptômes de diverses façons, de l’amélioration de l’intégrité de la barrière intestinale, aux interactions bénéfiques des acides gras à chaîne courte produits par les bactéries avec le système immunitaire et nerveux de l’hôte8. Toutefois, les preuves sur les probiotiques sont affectées par quelques grands enjeux : d’abord, l’hétérogénéité importante et deuxièmement, l’ampleur de l’effet placebo observé dans les études sur les traitements du SCI7-9. Le premier enjeu découle de la quantité considérable de probiotiques disponible pour les études et à des fins commerciales, ainsi que la variation des dosages et de la durée du traitement. Il est aussi important de souligner que chaque souche individuelle de bactéries probiotiques est unique d’un point de vue biologique et bien qu’il y ait parfois des fonctions métaboliques redondantes préservées entre les souches, la recherche sur une souche individuelle ou sur une combinaison de souches ne peut être extrapolée avec certitude à une autre souche.
Le deuxième enjeu témoigne de la nature incroyablement complexe du SCI et de l’étroite interconnexion entre le cerveau et l’intestin qui se manifeste dans cette affection ; les résultats de recherche doivent être solides pour conserver un seuil de significativité par rapport à l’effet placebo.
Bio-K+ pour traiter le SCI
Au Canada, on compte actuellement cinq probiotiques en vente au détail qui ont des indications de Santé Canada dans le syndrome du côlon irritable ; le Guide clinique des produits probiotiques disponibles au Canada (www.probioticchart.ca) est un excellent outil pour évaluer le niveau de preuve et les indications des nombreux probiotiques sur le marché.
Bio-K+ est le tout dernier probiotique cliniquement éprouvé à entrer dans la catégorie du SCI ; l’indication a été donnée par Santé Canada en raison de l’amélioration de la qualité de vie des gens avec le SCI-D en s’appuyant les résultats d’un essai clinique récent, publié dans Beneficial Microbes9.
Dans cet essai, 113 participants atteints du SCI-D et du SCI-M ont été répartis de façon aléatoire selon un ratio 2:1 pour recevoir 2 capsules de Bio-K+ 50 milliards (dosage total de 100 milliards) au déjeuner ou un placebo9. On a demandé aux participants de tenir un journal quotidien sur les selles et la douleur, en plus de remplir les questionnaires SCI-QdV (qualité de vie) et l’échelle de gravité des symptômes pour le SCI, homologués par la recherche, lors des semaines 0, 6 et 129.
À la 12e semaine, la consistance des selles, la fréquence des selles, les journées avec de fortes douleurs et la qualité de vie se sont améliorées de façon significative chez les participants présentant le sous-type SCI-D9.
La consistance des selles s’est améliorée de 90 % (comparativement au placebo)
67 % moins d’épisodes de diarrhée
Les participants avaient 2 fois moins de journées avec un score de douleur supérieur à 6/10
Le score de la qualité de vie s’est amélioré de 65 %
Adopter une approche intégrative
Le syndrome du côlon irritable illustre la complexité des interactions entre l’intestin, le cerveau, le système immunitaire et le microbiote intestinal. Dans ma pratique, j’adopte une approche intégrative qui comprend la thérapie nutritionnelle, la réduction du stress et d’autres outils portant sur le mode de vie ainsi qu’un apport complémentaire en probiotiques fondés sur des preuves comme Bio-K+. Bien qu’il puisse être difficile de naviguer dans toute cette complexité en tant que personne atteinte du SCI ou professionnel de la santé, des améliorations sont tout à fait envisageables.
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