Neuro-nutrition : flore intestinale, santé mentale et nutrition
« Il y a seulement quelques années, il aurait été difficile d’imaginer que les troubles neurologiques pouvaient trouver leurs racines dans l’intestin. […] Les composés chimiques sécrétés par le microbiote peuvent affecter l’humeur et […] l’humeur elle-même peut également affecter le microbiote. »
Erica et Justin Sonnenberg
Chercheurs en microbiologie et immunologie1
Le phénomène de la neuro-nutrition est en plein développement et est appuyé de données scientifiques qui stipulent qu’il y a bel et bien une connexion intestin-cerveau.
Les premières études qui ont contribué à faire le lien entre le microbiote intestinal et le cerveau se sont faites chez les souris. Plusieurs portent sur le transfert du microbiote intestinal (l’ensemble des micro-organismes vivant dans le microbiome intestinal) d’une souris à l’autre et le changement de comportement qu’il engendre. Par exemple, si on transfert le microbiote intestinal d’une souris plus aventureuse dans celui d’une plus tranquille, celle-ci développe rapidement des aptitudes plus dynamiques. Il en est de même lorsque les chercheurs ont inoculé un microbiote d’une souris calme dans une souris agressive et vice-versa, les plus calmes sont devenues agressives et les secondes ont eu un comportement plus serein2. Ces éléments viennent renforcir la prémisse que les familles de bactéries présentes dans l’intestin ont une influence sur la santé mentale.
La littérature qualifie l’intestin de 2e cerveau puisqu’il contient à lui-seul 200 à 500 millions de neurones, soit l’équivalent de ce que l’on retrouve dans un petit animal de compagnie.3 Le cerveau « communique » avec l’intestin par l’intermédiaire des neurones du système nerveux autonome et via la sécrétion d’hormones qui suivent un axe bien précis partant de l’hypothalamus (structure du cerveau) pour se rendre jusqu’aux glandes surrénales, situées, comme leur nom l’indique, sur la partie supérieure externe des reins. L’intestin, pour sa part, transmet ses messages au cerveau par le biais de métabolites et de médiateurs chimiques qui empruntent le nerf vague ou la voie sanguine pour arriver à destination. On décrit cette communication entre le cerveau et l’intestin comme étant un axe bidirectionnel.
Flore intestinale déséquilibrée : effets sur la santé mentale et physique
Toute perturbation du microbiote intestinal venant nuire à la quantité et à la variété de bactéries présentes dans le tube digestif aura des impacts sur certains troubles du système nerveux central.
Le phénomène le plus simple et le plus cliniquement observé de cette relation intestin-cerveau est l’impact du stress sur la motilité intestinale, autrement dit sur la vitesse de digestion et le mouvement de l’intestin. En période de stress, notre corps réagit de différentes façons et il n’est pas rare, par exemple, d’être aux prises avec des épisodes de diarrhée. Soumises à cette attaque, les bactéries voient leur environnement se modifier. Un stress soutenu et une diarrhée fréquente peuvent avoir des effets sur la composition du microbiote à plus long terme5.
Une flore intestinale perturbée a aussi été associée à une perception plus élevée de la douleur, à l’augmentation des comportements dépressifs et du stress, à une hypersensibilité digestive, à une altération du système immunitaire et à une augmentation de la motilité intestinale en lien avec l’altération de la barrière entérique6.
Il est aussi établi que le ratio des principales familles de bactéries influence non seulement la santé digestive, mais également la mémoire, le comportement, le stress, la dépression et l’anxiété en modulant l’activité des neurotransmetteurs, petits messagers chimiques qui s’assurent d’une bonne communication entre chaque cellule du cerveau et chaque cellule nerveuse ailleurs dans le corps7,8.
Comment prendre soin de son microbiote intestinal par l’alimentation
Prendre bien soin de son microbiote intestinal est un facteur clé dans l’atteinte d’une santé mentale et physique optimale. Éviter les perturbateurs et favoriser l’intégration de saines habitudes de vie permet aux bonnes familles de bactéries de croître dans un environnement favorable. En plus d’intégrer de l’exercice physique au quotidien, il est démontré qu’on peut appliquer certains conseils nutritionnels pour diminuer les pensées dépressives et anxiogènes. Voici des objectifs axés sur la diversité du microbiote intestinal et la croissance des bonnes bactéries.
1. Consommer des fibres: Manger quotidiennement 2-3 portions de fruits avec leur pelure bien lavée, intégrer 2 tasses de légumes colorés au dîner et au souper, incorporer les noix et les graines tous les jours et choisir les produits céréaliers de grains entiers;
2. Revisiter les protéines : Remplacer les protéines animales quelques fois par semaine par des poissons gras (sardine, maquereau, hareng, truite, saumon) et des protéines végétales (légumineuses, edamames, tofu, tempeh, noix et graines);
3. Limiter les gras saturés : Remplacer les charcuteries par des oeufs, un mélange de thon ou de saumon, du poulet, des crevettes et diminuer les portions de viandes rouges;
4. Ajouter des aliments fermentés de façon hebdomadaire : Apprendre à cuisiner avec le miso, le tempeh, le kimchi, la choucroute, etc.;
5. Consommer des probiotiques9: Choisir des probiotiques reconnus et soutenus par la science dans les périodes où le corps a besoin d’un coup de pouce (rentrée scolaire, saison du rhume et de la grippe, temps des fêtes, fin de session, lors d’un voyage ou d'un traitement antibiotique). À faire dans le but d’optimiser son système immunitaire et maintenir la quantité et la diversité des bonnes bactéries dans votre tube digestif.
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Lorsqu’on parle de neuro-nutrition, le concept qui veut que nous soyons faits de ce que l’on mange s’applique à la lettre. Nous avons besoin de bons gras, de vitamines et minéraux précis pour la synthèse de nos neurotransmetteurs, de protéines complètes et nous devons faire le nécessaire pour maintenir l’intégrité de notre microbiote intestinal, puisqu’à lui seul, il influence en grande partie notre santé physique et mentale10.
Références
Sonnenburg, E. et Sonnenburg, J. (2016). L’étonnant pouvoir du microbiote, Montréal, Éditions Édito, p. 145-146.
Bercik P, Denou E, Collins J, Jackson W, Lu J, Jury J, Deng Y, Blennerhassett P, Macri J, McCoy KD, Verdu EF, Collins SM. The intestinal microbiota affect central levels of brain-derived neurotropic factor and behavior in mice. Gastroenterology. 2011 Aug;141(2):599-609, 609.e1-3. doi: 10.1053/j.gastro.2011.04.052. Epub 2011 Apr 30. PMID: 21683077.
Schmidt C. Mental health: thinking from the gut. Nature. 2015 Feb 26;518(7540):S12-5. doi: 10.1038/518S13a. PMID: 25715275.
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Desautels-Marissal, M. (2016). Mille milliards d’amies: comprendre et nourrir son microbiome. Montréal, Éditions Cardinal, p. 50.
O'Mahony SM, Marchesi JR, Scully P, Codling C, Ceolho AM, Quigley EM, Cryan JF, Dinan TG. Early life stress alters behavior, immunity, and microbiota in rats: implications for irritable bowel syndrome and psychiatric illnesses. Biol Psychiatry. 2009 Feb 1;65(3):263-7. doi: 10.1016/j.biopsych.2008.06.026. Epub 2008 Aug 23. PMID: 18723164.
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